IN FINE — Préface, 2022
ADOR
Banane/saucisse, association bizarrement fun : une glace deux boules aux parfums malencontreusement et délicieusement imaginés ensemble.
À l’évocation de ce dessert, les bonshommes font du bruit. Ador est friand de cette musicalité « bazardeuse », les petits soulèvements d’une bande d’olibrius !
Il y a six années je sonnais à la porte d’Ador qui me faisait part de son plan P comme Peinture. Il préparait alors une résidence et une exposition aux États-Unis. Le carnet d’Ador était ouvert, recouvert de dessins, d’idées, d’objets, de totems, de personnages et surtout de saucissons, de gros pifs, de sacs-poubelle et de trophées.
Pas la peine d’essayer de faire échapper mon regard , il y en a plein, partout, sur et autour d’un bureau où la « farfouillerie » et les bouts de papier génèrent des idées rapides et efficaces. Ador m’a raconté pas mal d’histoires, drôles, tristes, joyeuses, mauvaises, sans queue ni tête, vengeresses, tendres, grinçantes.
Le pouacre montre son doigt, se moque et participe au bordel, mais il prône plus bien que mal le défi du seul contre tous, la logique de l’appartenance à un groupe, l’importance de l’individualité et l’universalité de l’allégorie.
Les personnages d’Ador sont mes supers héros : des vilains, des vilaines, des héroïnes, des zéros. À chacun son rôle, son déguisement, sa légende.
Je lui renvoie ce rébus qu’il m’a un jour offert. Ador fête ses dix-huit ans :
BONNE ÂNE NID VERRE CERF !
Plus besoin de faire le mur, à cet âge, il est déjà bien recouvert. L’indépendance façonne le larron, qui se gausse en dessinant les jeux de mots d’énergumènes en groupe ou en solo ; certains s’empilent, s’attroupent, s’accouplent, sont animaux, hybrides ou humains.
La majorité !
– D’abord, souffler sa bougie magique au TNT.
Puis :
– Le permis caravane et de chasse avec le moniteur Benito ;
– Voter pour ou contre le Père Noël ;
– Acheter de l’alcool pour noyer le Père Noël s’il a été élu ;
– Entrer en discothèque avec une moustache.
Et :
– Avoir une carte bleue pour jouer la Banane Flambée ;
– Poursuivre des études et passer un CAP charcuterie option cochonnerie ;
– Devenir responsable de ses empilements ;
– Pouvoir se porter caution pour les mouches louant les poubelles ;
– Débloquer le pactole et hériter de beaucoup d’animaux de travers.
Olibrius est la première monographie de l’artiste Ador.
Imaginée en deux parties, elle regroupe un corpus d’images dense et déchaîné ainsi qu’un abécédaire farfelu issu d’un échange entre l’artiste et le philosophe Gérard Lemarié.
« Out », d’abord les murs, présente un cadre et des contextes qui se déploient par personnage ou thème, une manière d’asseoir à la fois sa frivolité et sa technique et de rentrer dans le vif du sujet : brochettes et coloriages où dérivent des slips léopard, les conquêtes, les points de vue, les regards…
Les murs sont souvent évolutifs et se transforment pendant plusieurs jours ou périodes sur un principe de cadavre exquis. Les murs et leurs caractéristiques sont souvent les supports visuels et le théâtre des scènes rocambolesques d’Ador. Puis de l’extérieur, nous rentrons : « In » propose des face-à-face avec les toiles, les expositions et le volume. Pingouins et tête(s) de cul… portraits de tas et d’installations.
Ador peint depuis 2003 et commence de manière spontanée : une énergie qu’il poursuit dans ce livre qui regarde en arrière et où ses peintures envahissent les pages comme il recouvre les murs.
Ador adore raconter des histoires, des contes, rigoler, rebondir et tourner les choses en dérision . Il parle de manière distincte et instantanée de ce qui le rend heureux lorsqu’il peint.
La blague, le spectacle, la mise en scène, mais aussi l’oscillation constante entre une pratique libre et sérieuse à la fois. C’est l’altérité qui caractérise l’esprit des peintures d’Ador et qui transpire dans les deux cent quarante pages de cette monographie.
« Je cherche à dessiner où je peux. Alors, c’est encore mieux si les gens s’en rappellent »1.
En 2019, Ador clôturait son édition réunionnaise Michto Kayou ainsi : « Si ça continue comme ça, ça ne va pas s’arrêter… »
Pas tout de suite, pas du tout, pas encore Ador.
- Confession d’atelier, 2021. ↩︎