Radicant

EMILIE LOSCH — Notice, 2014

Emilie Losch, Expansion, dessin, Stylo encre sur papier 80 g contrecollé, 55 x 73 cm, production LIVING ROOM, 2013.

« Il n’y a pas de stratégie organisationnelle comme dans une ville traditionnelle. C’est un peu comme une dérive situationniste, un déplacement mental au hasard, un épuisement par la répétition du geste, du bloc. »

Expansion/Contraction est une «cité» en mouvement qui utilise le bloc comme unité de perception et de représentation. C’est un système modulaire qui, par l’assemblage des unités, leurs imbrications libres et leurs déplacements organiques, semble faire écho aux « unités polyvalentes » de Jean-Louis Chanéac (1960.)

Cette ville-fiction se déploie à l’image de notre environnement contemporain. Ce que l’on peut percevoir dans cette animation comme utopie d’un nouvel espace urbain est en réalité une représentation des phénomènes de société contemporains qui se meuvent sans cesse par expansion et contraction.
C’est à travers un véritable procédé microtectonique de la ville contemporaine que l’artiste transforme les repères d’urbanismes classiques qui ponctuent nos modèles communs. Ils s’animent alors pour devenir : zone pointilliste, labyrinthe en rhizome, totem urbain, agroglyphes, quartier du BigBang et expansion de l’univers, structure cellulaire ou encore transports en communs par neurogenèse. L’imagination n’a plus de limite et le mode d’urbanisme proposé nous livre de nouvelles spécificités de conception de l’espace. La cartographie fixe le mouvement des villes contemporaines et le travail minutieux d’animation d’Emilie Losch  donne à « l’urbanisme de fiction » une nouvelle dimension.  Ce récit de l’apparition et la disparition urbaine développé autour du dessin (Expansion, 2013) procure à ce projet des perspectives multiples mêlant le champ de l’architecture et celui de la création. D’abord en offrant une vision architecturale à grande échelle où la géométrie est bouleversée dans l’espace restreint d’un écran vidéo. Ensuite à travers un processus de fabrication où les repères de la ville sont indéterminés et leur positionnement plutôt aléatoire. Pourtant l’artiste nous plonge dans un schéma défini par la création d’artères et de canaux permettant une circulation et une respiration  à travers un maillage dense. « J’ai crée ma ville. Après toutes ces heures de travail à effacer et rajouter des blocs, je m’y repère enfin. Je sais tout de suite où je me trouve et dans quelle zone je suis en regardant ce plan. »1

Les logiques traditionnelles de l’organisation des espaces urbains sont redéfinies par le point. Dans cette ville, le point est origine et commencement, terminaison et fin, reproduction et infini. Il se développe sur une boucle et permet à la ville de l’artiste de se déployer en un constant recommencement, une croissance inexorable comme une plongée au cœur des phénomènes artistiques. À travers une logique inspirée du dessin automatique, la réalisation s’est faite en progressant du centre vers l’extérieur. Cette ville en mouvement, obsédante dans ses contractions construit sous nos yeux un véritable plan d’urbanisme qui rappelle également les croquis de développement des agglomérations de Le Corbusier ou encore certains concepts de créations urbanistiques bâtis sur le modèle des spirales, du mouvement concentrique ou du labyrinthe mycénien. Une rotation autour du noyau central, à l’image d’un organisme urbain radicant s’est ainsi mise en place jusqu’à ce que la surface de travail soit totalement recouverte et sorte du cadre.

Expansion, Contraction, 2013, animation vidéo, 32 secondes (en boucle)
  1. Emilie Losch, entretien, 2013 ↩︎
  2. Emilie Losch, entretien, 2014 ↩︎
  3. Gille Deleuze, L’image-mouvement, Cinéma 1, Les éditions de minuit, coll. Critiques, 1983. ↩︎
  4. Marie-Pierre Vandeputte, « Archigram, de l’utopie à la folle fiction », in Azimut n°34, 2010 ↩︎