Le bruissement des échos

MARION RICHOMME — Entretien, 2016

Marion Richomme, Béroé Blanc I, faïence, engobe, métal, 43 x 44 x 20 cm, 2015

La plasticienne Marion Richomme, revient sur cette fin d’année 2015 à Blois. Forte de cette expérience, cet entretien, nouvelle lecture de son travail, ouvre ainsi les perspectives créatrices de sa production. Cet échange sur sa résidence de trois mois au lycée horticole de Blois, aborde un moment de recherches à l’issue duquel elle a présenté ses nouvelles productions lors de l’exposition, Le bruissement des échos, du 17 décembre 2015 au 15 janvier 2016.

Marion Richomme : Le lycée horticole de Blois proposait pour cette résidence, le thème suivant « animal – végétal ». C’est en premier lieu ce qui a retenu mon attention pour postuler à cette résidence. Ce sont des pistes de travail qui correspondent parfaitement à mes thématiques artistiques. Cette résidence de création était l’occasion pour moi de me concentrer exclusivement sur mon travail plastique. Travailler au sein du lycée voulait tout de suite dire que j’allais pouvoir interagir directement avec des personnes de manière concrète. Les plantes et les animaux sont au cœur des enseignements et font partie intégrante du lycée. Nous avons pu les traiter de manières différentes, en confrontant nos visions d’artiste, de professeur et d’élève. Ce fut l’occasion de réunir des « mondes » différents, de se rencontrer et de se fédérer autour de sujets communs.

Ce thème est assez vaste mais rejoint de nombreuses lignes directrices de mon travail. Je suis fasciné par le monde végétal et ses similarités avec le monde animal.

Léo Bioret : Comment as-tu adapté ta pratique pendant cette résidence de trois mois au sein du lycée ? Tu as bénéficié d’un atelier de travail et d’une exposition de fin de résidence afin de montrer tes réalisations. Comment s’est déroulée cette expérience ?

Marion Richomme : Quand je suis arrivée au lycée, je n’avais pas de projet spécifique. La technique de la céramique est essentielle dans ma production et je ne savais pas si j’allais avoir accès à un four à céramique ni de quelle dimension.  Je n’ai donc pas anticipé les pièces à produire. J’avais néanmoins des idées à moduler en fonction des possibilités techniques offertes par le lycée.

Les premiers jours, j’ai installé mon atelier, acheté du matériel et j’ai commencé une série de dessins de recherches. Avec trente mètres carré d’espace de travail, j’étais ravie de pouvoir travailler dans de telles conditions. J’ai eu tous les moyens humains, techniques et financiers à disposition pour développer une exposition de fin de résidence conséquente et de qualité.

À ce moment là j’ai initié mes premières rencontres avec le personnel du lycée afin de mettre en place différentes relations. La directrice Madame Darjo, a organisé un café d’accueil pour que je puisse me présenter ; un moment d’échange nécessaire, qui a guidé mes rencontres.  J’ai par ailleurs fait la connaissance de Baptiste Darnault, ferronnier, avec qui j’ai travaillé à la réalisation de structures en métal pour mes sculptures. J’ai pu bénéficier d’un four à céramique plus grand que le mien, présent dans son atelier. J’ai ainsi pu produire de plus grandes pièces.

Dès le début de ma résidence, j’ai été très bien accueilli dans l’établissement. J’en ai profité pour installer quelques pièces dans la serre d’exposition et j’ai commencé à présenter mon travail. C’était aussi une manière de signifier ma présence. Petit à petit le personnel du lycée est venu me rendre visite et discuter dans mon atelier.

Léo Bioret : Peut-on s’immerger quelques instants dans les lieux que tu as investi durant trois mois ? Comment est ce lycée horticole ? Peux-tu me le décrire ?

Marion Richomme : Le lycée horticole de Blois accueille environ trois cent élèves. Il est situé un peu à l’écart de la ville, en pleine campagne du Loire-et-Cher, sur les bords de Loire. Il y a des plantes et des animaux,  des lapins sauvages le matin et tout un tas d’espèces d’oiseaux. C’est beau, c’est sauvage avec une forêt juste derrière.

Léo Bioret : Quels ont été tes premiers questionnements ? Cette résidence était-elle l’occasion pour toi, de développer une idée, une pratique ou une création en particulier ?

Marion Richomme : Ma pratique est poreuse. J’ai toujours de nombreux projets en cours que j’expérimente et que j’avance simultanément, l’un nourrit l’autre. Même une simple balade pour se dégourdir les jambes peut faire naître, une idée. J’ai juste profité de mon environnement du moment  et l’exposition s’est mise en place d’elle-même. Constamment, une idée en entraîne une autre !

Léo Bioret : Quelle était ta démarche de travail quotidienne ?

Marion Richomme : Le temps est passé très vite durant ces trois mois, j’en ai donc profité un maximum. J’ai beaucoup travaillé et beaucoup produit.

J’avais une chambre a part de l’internat, une cuisine et une salle de bain. J’allais au travail le matin dans mon atelier et je rentrais le soir. Je mangeais au self tous les midis. J’ai très vite créé des liens forts avec certaines personnes.

Léo Bioret : À quel moment as-tu travaillé avec le personnel du lycée, les élèves et de quelle manière ?

Avec mon référent Philippe Clot, nous avons rapidement mis en place des rencontres avec des élèves de première et de terminale à qui j’ai présenté mon travail et proposé des ateliers de pratiques plastiques orientés sur la céramique.

Je leur ai parlé d’artistes en lien avec mon travail ; Hubert Duprat pour la carapace, Gunilla Klingberg pour le motif, Louis Bec pour l’invention de nouvelles espèces ou encore, June Papineau pour l’enveloppe. Je leur ai ensuite demandé de dessiner un animal et/ou une plante imaginaire, que nous avons réalisés en céramique.

Je les ai fait travailler sur les chimères. Ils devaient proposer en dessinant, un mélange de plusieurs animaux au trait en contour, puis y insérer le squelette. Nous avons fait l’empreinte en négatif des squelettes, en creux dans de la terre, puis nous y avons coulé du plâtre pour obtenir un moulage.

Les moments avec le personnel du lycée se sont fait naturellement. La professeure de sport Nathalie, voulait essayer de travailler la terre. J’ai donc proposé un autre type d’atelier.

Une sorte de rumeur s’est répandue et les intéressés sont venus à l’atelier. Je souhaitais les faire travailler en fonction des envies de chacun. Il m’est donc arrivé de faire des pièces en céramique avec certaines personnes, qui n’avaient rien à voir avec mon travail. C’était un beau moment d’échange et de convivialité ! Je me suis finalement retrouvée avec 5 ou 6 personnes à venir régulièrement travailler avec moi dans l’atelier.

Léo Bioret : Le bruissement des échos est arrivé à quel moment ?

Marion Richomme : Les titres des pièces comme celui du projet, sont arrivés quand j’ai réellement pensé l’exposition.

J’avais du mal à trouver un titre, je voulais qu’il ait du sens, qu’il soit poétique, onirique tout en restant léger. Une amie est venue me voir un weekend à Blois. En jouant, en associant des mots, en écrivant de la poésie autour d’un verre entre copines et a deux cerveaux, nous avons trouvé, Le bruissement des échos !  Un bruissement fait référence aux insectes ou au vent dans les arbres, c’est à peine audible. Il faut être attentif pour l’entendre, mais c’est là, ça existe et peu de gens y prête attention, il faut le vouloir, le chercher, être éveillé.
Ce bruissement peut être récurrent comme un écho, une rengaine qui se propage à l’infini.