OLIVIER GARRAUD — Entretien, 2016
« Demi – artist », est un projet inédit en cours de réalisation en 2016, créé par l’artiste Olivier Garraud. Cet entretien a été mené dans l’atelier de l’artiste à Nantes. Il travaille sur une version animée et je lui fais une proposition improvisée de discussion sur ce nouveau projet.
Léo Bioret : Qui es-tu Olivier ?
Olivier Garraud : Je suis artiste et j’ai investi les Ateliers Delrue après avoir reçu le Prix des Arts Visuels de la ville de Nantes en 2013. Je fais du dessin et tout ce qui peut s’en rapprocher comme l’animation et le wall drawing que j’expérimente depuis peu. Je fais également de la sculpture.
Mes recherches tournent beaucoup autour de l’image et ce qui peut la générer. Ce qui m’intéresse c’est l’impact de ces images en tant qu’objet. Qu’est ce qu’on est en droit de comprendre et qu’est ce qu’elles véhiculent ? C’est pour cela que ça ne me dérange pas de passer d’une technique plastique à une autre pour aborder ce statut de l’image.
Léo Bioret : Comment les symboles mythologiques ont ils marqués ta pratique artistique ?
Olivier Garraud : Au-delà des références historiques, j’ai une grosse culture de blockbusters américains qui portent des figures de héros. On retrouve ça aujourd’hui avec les films Marvel qui mettent en avant de gros messages de propagandes. Je pense que cette influence vient de là. Le livre de Roland Barthes, Mythologies, décrypte beaucoup de symboles de notre société comme la Citroën et les catcheurs de la Lucha Libre. Je pense que cet aspect mythologique est surtout un mélange de constats personnels et de culture populaire.
Quand on vit dans une société libérale, tournée vers les sciences et l’argent, il est intéressant de voir comment, cette société, qui est normalement censée s’émanciper d’un dieu, fait surgir des survivances iconiques par une idolâtrie qui s’est déplacée autour des baskets, des people et au fond, autour de l’argent. L’argent fonctionne avec une forme de croyance. Quoi qu’il advienne nous avons tous besoin de ce type de fonctionnement que je ne comprends même pas moi-même.
Ces questions m’intéressent beaucoup, je mets les doigts dans la prise et je vois ce que ça fait !
Léo Bioret : Présenté dans sa première version à l’Atelier de Nantes en 2014, comment a évolué le projet, Demi – Artist depuis l’année dernière ?
Olivier Garraud : La première fois que j’ai présenté Demi – Artist, à l’Atelier, le dessin était intégré dans une installation d’une trentaine de dessins et de sculpture sur étagère. Depuis pas mal de temps, je voulais sortir de la manière classique de présenter des dessins et des sculptures. J’ai donc présenté mes réalisations dans un ensemble. Cette installation reflète clairement les prémices de ce que j’aimerais présenter prochainement. J’aimerais ajouter dans ces installations, d’avantage de sculptures et d’animations. Cette proposition d’images fixes et animées créée un effet de multiplicité entre la dépendance de chaque image et leur interdépendance.
Je m’étais permis dans cette installation de présenter des éléments qui ne sont pas encore aboutis mais qui fonctionnent dans cet ensemble. C’était le cas pour le premier dessin intitulé,
Demi-artiste. Je n’étais pas satisfait, car la part d’humour n’était pas évidente. La typographie que j’avais utilisée était de style gothique ce qui rappelait peut être un peu trop les affiches de propagande du IIIème Reich ou d’un groupe de heavy metal. J’ai voulu prendre un peu mes distances tout en poussant le projet un peu plus loin. J’ai alors proposé trois versions, trois dessins sur le même format, A1. Une version reprenant en caractères grecques blancs sur fond noir et accompagnés d’une introduction : « Il était fils d’artiste et de simple mortel, il avait des dons exceptionnels … » Les deux autres versions incluent des éclairs puis des flammes sur le fond noir. Le fait d’avoir réalisé ces trois versions m’a mené petit à petit vers la nécessité de faire une animation. Comme une sorte de teaser de ce super-héros encore méconnu du grand public. Au départ cette proposition prenait la forme d’un dessin sur papier. Il semblait possible d’aller plus loin en employant l’animation. Comme souvent j’envisage les choses de façon simple et efficace. J’ai alors repensé aux films d’animations bon marché japonais, aux jeux vidéo 8 bit et aux gif animés que l’on trouve sur l’internet.
J’ai fait le choix du noir et blanc en me souciant spécialement de la composition. Je n’ai utilisé que sept images, chaque dessin au format A4 est scanné.
Avec les quelques dessins réalisés sur papier, je suis en mesure de proposer plusieurs animations. J’ai envisagé le montage du son et des images de manière très simple reprenant les « trucs » du cinéma.
J’ai toujours eu envie de traiter la vidéo, comme un économiseur d’écran d’ordinateur qui tourne, comme une boucle qui laisse finalement en permanence le signifiant à portée du regard. En disséquant la vidéo initiale en plusieurs fichiers distincts, j’appuie encore ce potentiel. Le caractère multiple de cette proposition lui donne d’emblée la possibilité d’être un ensemble, épileptique et absurde.
Léo Bioret : Demi-artist, est-il un autoportrait ?
Olivier Garraud : Non pas du tout, mais c’est un projet qui inclut une part d’auto – dérision. En tant qu’artiste, on va forcément se poser la question. Moi – même, je me pose beaucoup de questions sur le statut de l’artiste, mais ce demi – artiste n’est pas censé me représenter. Il représente l’idée que l’on pourrait se faire d’un artiste. La question que je pose à travers ce projet est la suivant : si nous sommes à même de pouvoir aduler un artiste, qu’est ce qu’un demi-artiste ? J’essaye de traduire un certain déplacement avec Demi – Artist.
Léo Bioret : Demi – artist, et qu’en est-il de l’autre moitié ?
Olivier Garraud : Il est la moitié d’un artiste et la moitié d’un homme. C’est une forme d’hybride. La prochaine vidéo animée que j’aimerais réalisée s’appellera, l’Athée. Je mettrais en scène un mi-homme, mi-chien. C’est un personnage que j’ai déjà présenté dans mes dessins. Ces dernières années je me suis beaucoup recentré sur le dessin et je m’aperçois que pour arriver à mes fins, le dessin ne suffit pas forcément. Je sors alors du dessin pour par exemple proposer des animations vidéo qui potentiellement quelque chose de plus fort à proposer. J’aime aller au bout de mes idées. J’ai terminé l’animation Demi – artist, hier. Les vidéos seront surement amenées à évoluer de la même manière qu’un logiciel informatique. La version 1.0 évoluera vers une version 1.1 au fur et à mesure des modifications que je voudrais leurs apporter.