Dulcie Galerie, École des beaux-arts de Nantes — 2015
Charlotte Barry, Noémie Chauvet, Sullivan Goba-Blé
Décrire un état, lui prêté une forme, un tracé, parcourir des espaces de saturations et de vides, pour lui offrir une légitimité ; c’est dans cette démarche que s’inscrivent Charlotte Barry, Noémie Chauvet et Sullivan Goba – Blé.
Leurs œuvres, territoires d’actions et tentatives réversibles, fondent l’indicible et le façonne, sans lui apporter de justification déterminée, mais en lui laissant le bénéfice du doute.
L’indicible dépasse l’expression, la définition et la cause à effet. Il a son caractère et ses notions, il s’immisce dans la création, à la recherche de zones non identifiables. Il amène au sublime, à l’intense, à l’étrange ou bien la supposition, mais qu’en est- il de sa représentation ? Comment les artistes peuvent-ils lui proposer un contour?
« L’adéquation parfaite entre le mot et la chose est illusoire […] »1
Ce projet est une action vaine car par définition, l’indicible est innommable, indéfinissable, et indescriptible. Le champ de l’interprétation apparaît alors et l’exposition devient illusion.
Il s’agit de faire l’expérience de l’indicibilité, dans un mouvement artistique collectif fondé sur un conditionnel constant.
Charlotte Barry, Noémie Chauvet et Sullivan Goba – Blé, cherchent à apprivoiser cet état par le biais de différentes approches esthétique et technique. Dessins et sculptures se côtoient en créant des transitions démultipliées, entre mouvance et fluidité, architecture figée et géométrie stricte.
Les rapports d’échelles et de lectures se propagent, se distordent et dissolvent les frontières d’une organisation structurelle fixe. Les tensions palpables, les accumulations imposantes, les surfaces épurées, toutes se répondent et se happent. Les oppositions se lisent dans une sorte d’évolution au sein d’un espace de déstabilisation. Loin de la simple association formelle d’effets plastiques, Faire l’indicible, explore les possibles ouvertures du réalisable en s’introduisant dans des interstices artistiques inédits. Chaque œuvre associée à cette exposition, possède, sa temporalité, ses lois des espaces, ses bases et ses attitudes. Elles se dévoilent dans un processus élaboré par rebonds.
Chercheurs, traducteurs et récoleurs de formes, les artistes parcourent et expérimentent inlassablement les méandres de l’indicible. À la recherche soudain, de la disparition de l’interprétation.
Figures de l’indicibilité
« Les chemins de la représentation de l’indicible empruntés par les individus sont multiples, mais ils dépendent toujours de leur relation au langage – et à l’autre – et de la relation qu’entretient le langage avec l’être. »2 [1]
Les œuvres parlent d’elles-mêmes, jouent sur leur indépendance et leur logique combinatoire et deviennent les indices de la parole d’artiste. Cette oralité se révèle sous la forme d’enregistrements réalisés les mois précédents l’exposition, tout au long du projet.
L’indicible est hors de portée, indifférent et inépuisable. Au-delà d’un travail documentaire, ses enregistrements le façonne alors en lui donnant forme par étape de création.
Trois zones d’écoutes sont proposées dans l’espace de l’exposition. Chacune d’elle, propose une contemplation auditive du travail des trois artistes. Les bruits, les actions et les gestes artistiques s’animent dans un autre niveau de lecture des œuvres des trois artistes.
Ces pauses dans l’exposition diffuse des extraits de discussions, de réflexions et des moments d’entretiens avec les artistes. Chacun, à l’aide de ses outils et de son savoir technique produit des sons et des ambiances, retranscrites pendant plusieurs minutes et rythmant les trois enregistrements.
Chaque enregistrement se focalise sur un ou une artiste en particulier et permet de livrer à l’auditeur la spontanéité des moments de création. Identifiées comme des figures de l’indicibilité, elles révèlent les artistes dans des instants au plus proches de leur créations.